« Super, mon fils est plombier ! » … Une phrase que personne n’a jamais entendue lors d’un dîner mondain. Pour toute une génération de parents, ce qui compte, c’est un Bac+5, une « bonne école » et un poste « qualifié ». Pourtant, tous les jeunes ne sont pas enthousiasmés à l’idée de passer 8 heures par jour derrière un bureau. La Gen Z, par exemple, sort des sentiers battus des « études sup’ ».
Alors, pourquoi tant de tabous autour des métiers manuels ?
Pourquoi est ce que « bouchère » sonne toujours moins bien que« data scientist » ?
Souder, poncer, raccorder… Est-ce vraiment moins glamour que de remplir des tableaux Excel ?
Pour cet article, j’ai eu la chance d’interviewer Orianne, coiffeuse et gérante de son propre salon. Elle veut changer l’image de son activité, former les nouvelles générations, travailler avec modernité et passion.
Il faut laisser les gens être heureux ! On passe plus de temps au travail qu’avec nos familles, donc autant être épanouis ! - Orianne -
1- Changer notre perception de ces professions
Des secteurs nécessaires et pourtant dévalorisés
Pendant des décennies, ils ont été considérés comme des voies de « dernière chance » vers lesquelles aiguiller ceux qui n’auront pas leur bac… Un raisonnement bien exigu. Le système scolaire a longtemps poussé les élèves vers de « grandes études ». Au détriment des CAPs, bacs pros et diplômes techniques.
Orianne m’explique que, dans son salon, elle est la seule qui a pu se former à son job dès le lycée… Ses parents l’ont encouragée à suivre sa passion, mais c’est encore trop rarement le cas.
Je le vois dans mes salariées, elles sont toutes issues de reconversions.
Cependant, la tendance s’inverse : en 2024, on comptait 703 500 nouveaux apprentis, soit une augmentation de 3,5 % sur un an. De plus en plus de jeunes sont intéressés par ces vocations, les familles et établissements scolaires commencent doucement à les soutenir.
Résultat ? Le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage s’accroit chaque année, et l’image des professions techniques change.
Nous manquons cruellement de maçons
Dépassées, les professions manuelles ? Qui ici a déjà passé des semaines à chercher un électricien pour réparer son interphone ?
Les secteurs en tension ne manquent pas : en 2022, 67 % des chefs d'entreprise dans l'industrie manufacturière rencontraient des difficultés à recruter (Insee). Cela dépassait même les 70 % dans l'agroalimentaire et les équipements électriques. D’autres filières peinent à embaucher : la coiffure, le bâtiment, la restauration. On manque de maçons, de couvreurs, de plombiers…
Mes notes sont remplies de chiffres sur la pénurie de travailleurs dans ces secteurs… Je vous épargne le PowerPoint : les métiers de l’artisanat sont nécessaires pour, littéralement, construire et maintenir notre société.
Depuis 2018, l’Éducation Nationale encourage l’ouverture de nouveaux Centres d’Apprentissage (CFA). En novembre 2024, le Tableau de Bord de l’Apprentissage recensait au total 487 174 apprentis. Des chiffres encourageants !
Même si nos emplois ont été un peu dégradés, ils ont été très revalorisés ! - Orianne -
Témoignage : Orianne redonne du panache à la coiffure
Les jeunes sont de plus en plus attirés par les domaines plus concrets. Au-delà des stats, qu’est-ce que ça donne réellement, de se lancer dans cette voie ?
Orianne a choisi de devenir coiffeuse dès le collège, et sa famille l’y a encouragée. Vingt ans plus tard, elle est toujours aussi enthousiasmée par son job, gère son propre salon, et forme de nombreuses jeunes pousses.
Les mots d’Orianne :
- Quand j’ai choisi cette voie…
Mes professeurs ne voulaient pas que j’arrête, car j’étais très bonne élève. Mais ce choix s’est imposé de façon très claire. Une fois que j’ai pu partir en école de coiffure et faire vraiment ce que j’aimais, tout a eu du sens. J’avais plaisir à partir à l’école.
- J’ai choisi d’être coiffeuse car…
Je voulais un métier lié à la mode. Mon travail a un effet instantané sur quelqu’un. En 30 minutes, tu peux presque radicalement changer la vie d’une personne. Il y a des gens qui repartent lumineux, changés. Certaines de mes clientes, je les coiffe toutes les semaines depuis 12 ans, je connais tout de leur vie, et inversement.
Bref, une voie épanouissante !
2- Les métiers manuels : un avenir prometteur malgré les freins
Briser les stéréotypes : l’intelligence des artisans
91 % des jeunes estiment qu’avoir un travail que l’on apprécie est une condition essentielle pour être heureux (Ipsos, 2024).
Premier argument contre les professions du concret : enfoncer des clous ou tailler des haies, ça ne demande aucune réflexion. On dit souvent qu'il n'y a pas de sot métier, et c’est bien vrai. Chaque carrière demande un savoir-faire. Presque impossible aujourd’hui d’exercer sans CAP ou formation : votre boulanger n’a pas eu son diplôme dans une pochette surprise…
Orianne m’a confectionné un petit kit de départ pour (bien) faire son métier :
- « De la formation et de la remise en question permanentes. Tu es vraiment au contact de l’humain, il faut toujours donner le meilleur de soi. »
- « De l’intelligence humaine. Une grande partie de mon boulot, c’est aussi de dealer avec la psychologie des gens. Quand un client s’assoie, on a 30 secondes pour analyser la personne en face de nous. »
Il est temps de parler argent
La question à 1200€ : la rémunération. L’École a encouragé les jeunes à faire des études pour leur assurer une sécurité financière, à une époque où travail manuel était synonyme de précarité. Et aujourd’hui ?
- Nous savons que le chômage d’insertion des jeunes diplômés est de plus en plus important. Et qu’ils sont de moins en moins bien payés.
- Pour les entreprises de l’industrie, les sociétés d’aide à la personne, les artisans… Recruter est devenu un vrai problème. Pour attirer les jeunes, beaucoup proposent des salaires d’entrée au-dessus du SMIC.
> Et en pratique, est ce que l’on gagne réellement sa vie avec un métier manuel ? Est-ce qu’il faut impérativement trimer pour joindre les deux bouts ?
Ce qui fait peur, c’est souvent la question du salaire. Mais il y a des gens qui font des métiers concrets et qui gagnent très bien leur vie ! J’ai des amis coiffeurs qui gagnent plus que des notaires juniors. Même pendant tes études, tu peux te faire un peu d’argent. Aujourd’hui, mon salaire me permet de faire ce que je veux. - Orianne –
Elle tient à ajouter :
« Il faut aussi se poser les bonnes questions, trouver un équilibre entre ton désir de gagner ta vie et ton envie d’avoir du temps libre. En tant que cheffe d’entreprise, ce qui me passionne en ce moment, c’est le passage à la semaine de 4 jours. J’ai embauché plus de collaboratrices pour que nous puissions nous y mettre. Le Covid a changé notre façon de penser le travail. »
Brique par brique, bâtir demain
De plus en plus de personnes se tournent vers un métier qui leur plaît réellement. Les structures et parcours se mettent en place pour faciliter l’accès à toutes ces vocations.
Les écoles privées s’adaptent aux nouveaux besoins des jeunes, et cela donne des établissements exigeants et innovants… Nos voisins québécois ont une longueur d’avance : l’EMOICQ, par exemple, forme les nouvelles générations de travailleurs de l’industrie et de la construction. L’établissement est présent sur les réseaux sociaux, avec du contenu punchy qui rend fiers ses étudiants.
Imaginez : 2030, une nouvelle génération d’artisans qui aiment réellement leur job, le revalorisent, et gagnent leur vie en s’épanouissant…
Orianne : un mot pour la route…
Ce que j’aimerais, c’est que les gens qui ont envie de faire un métier manuel puissent se libérer de tous les carcans sociétaux. C’est à nous de faire bouger les choses. Je n’ai aucun problème avec mon métier ! Il faut avoir confiance en ce que l’on fait. Les professions techniques méritent d’être revalorisées. Après le Covid, les gens se sont rués vers nos secteurs. Nous avons une réelle importance pour le bien-être de nos clients.
> Découvrez le travail d’Orianne et de son équipe chez Cut My Bangs, au cœur de Montpellier. Elle s’occupe de tous types de cheveux, coupes et couleurs avec talent, et fait des merveilles sur mon afro :)